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                Heyerdahl a tout pour être détesté. C'est 
                l'un des aventuriers les plus importants de notre siècle 
                ; un anthropologue et un biologiste prestigieux ; un voyageur 
                impénitent ; un héros de la deuxième guerre 
                mondiale ; un conférencier acclamé et un écrivain 
                à succès, comme le prouve son dernier livre, Tras 
                los pasos de Adán, publié aux Editions B. La jalousie 
                est donc le premier effet secondaire que provoque la lecture des 
                mémoires du père de la célèbre expédition 
                du Kon-Tiki.
              
              
Les 
                86 années de ce norvégien né à Larvik 
                et installé depuis 10 ans à Ténérife 
                ont été une succession d'expéditions, de 
                mariages (trois pour l'instant), de querelles avec ses adversaires 
                scientifiques et de situations périlleuses qu'il a toujours 
                surmontées grâce à la force qu'il puise au 
                plus profond de lui-même.
              Sur les rives des fjords norvégiens, son père, 
                qui dirigeait une entreprise de brasserie, lui apprit à 
                prier tandis que sa mère lui fit découvrir les principes 
                darwiniens. Résultat, son premier jouet fut le sable de 
                la plage, sauter sur le cheval d'arçon, au collège, 
                lui faisait peur, mais en revanche contempler des insectes cloués 
                avec une épingle ne l'effrayait nullement. Si nous ajoutons 
                qu'il a été élevé au lait de chèvre, 
                qu'il dévorait les livres de Tarzan et qu'il est resté 
                des années sans savoir nager, on ne s'étonnera pas 
                d'apprendre qu'à la puberté, au lieu de courir les 
                filles, il enquêtait sur les différentes cultures 
                et passait des heures entières dans la bibliothèque 
                de sa mère, absorbé dans ses lectures.
              Mais un beau jour, Heyerdahl affronta une tempête de neige 
                où il aurait pu laisser sa peau, avec l'intention bien 
                nordique de se découvrir lui-même. Ce qu'il y entendit, 
                lui seul le sait, ainsi que Kazan, son inséparable Groëndal, 
                mais le fait est là : il en revint transformé. Il 
                s'inscrivit en biologie et en géographie, devint un anthropologue 
                féru de Socrate et Diogène, bourré d'idées 
                un peu fantasques qu'il ne partagea qu'avec sa première 
                épouse, Liv, qui avait accepté le défi que 
                Thor lui avait lancé lors d'un bal : "Serais-tu d'accord 
                pour m'accompagner dans une expérience de retour à 
                la nature ?".  
              Le pari se concrétisa en 1937 avec un voyage aux Marquises, 
                mais un an plus tard, Thor en tira deux conclusions : premièrement, 
                il est impossible de revenir à l'état naturel, deuxièmement 
                les courants marins sont la clef de l'origine de la vie en Polynésie. 
                Après la parenthèse de la deuxième guerre 
                mondiale pendant laquelle Heyerdahl combattit dans l'armée 
                norvégienne, sa théorie allait donner lieu à 
                l'un des voyages les plus surprenants de l'histoire de la navigation.
              SUIVRE LE COURANT
              
              
Après 
                avoir découvert que les indiens du nord-ouest américain 
                pouvaient constituer un des maillons perdus entre l'Asie et la 
                Polynésie, Heyerdahl monta l'expédition du Kon-Tiki, 
                en 1947. Elle devait lui permettre de démontrer que les 
                indiens du Pérou étaient allés sur ces îles 
                en traversant le Pacifique grâce aux courants marins du 
                sud de l'Equateur et qu'ils l'avaient fait sur un radeau de balsa.
               
              
              C'est ainsi que le 28 avril 1947, dans le port de Callao, six 
                illuminés s'embarquèrent pour atteindre plusieurs 
                semaines plus tard leur objectif. Ils n'arrivèrent pas 
                tout à fait à destination, mais seulement aux récifs 
                des premières îles.
              Heyerdahl fut fortement discrédité par la communauté 
                scientifique qui l'accusait d'être un illusionniste et un 
                aventurier. Cependant, en 1949, il reçut sa première 
                marque de reconnaissance : la médaille Retzius du mérite 
                scientifique attribuée par la Société Royale 
                d'Anthropologie et de Géographie de Suède. Dès 
                lors, tout ne fut que succès. Il écrivit un livre 
                qui se vendit à travers le monde entier et le film sur 
                le Kon-Tiki, tourné en 16 millimètres et monté 
                par des professionnels, obtint deux Oscars du meilleur documentaire 
                à Hollywood.
              Les expéditions se succédèrent. Dans les 
                années 50, il en organisa une aux Galapagos pour démontrer 
                que ces îles avaient été habitées avant 
                l'arrivée des Européens. Il en fut de même 
                avec son voyage à l'Ile de Pâques où il trouva 
                les traces d'une civilisation pré-polynésienne. 
                Dans les années 60, avec les radeaux de papyrus Râ 
                et Râ II, il organisa deux voyages qui le conduisirent du 
                Maroc aux Barbades afin de prouver que l'on pouvait traverser 
                l'Atlantique sur de telles embarcations. Dans les années 
                70, il récidiva et traversa l'Océan Indien, sur 
                le Tigris, depuis l'Irak jusqu'en Somalie.
              Il est impossible de résumer toutes les expéditions, 
                activités et qualités d'Heyerdahl : il fut notamment 
                conseiller à l'environnement auprès de Mikhaïl 
                Gorbatchev lors du sommet de Rio en 1992 et ami de Fidel Castro 
                (le premier livre édité à Cuba après 
                la révolution fut celui sur le Kon-Tiki). Mais toute sa 
                vie, il a poursuivi le même but : démontrer que des 
                civilisations qui ont peuplé le monde 3 000 ans avant Jésus-Christ, 
                ont eu des contacts entre elles.
    
              RADEAUX DE PAPYRUS
              
    
      
        
          
            
              | 
            Tras los pasos  
            de Adán 
                                Auteur :  
            Thor Heyerdahl 
                                Editions :  
            Ediciones B  | 
           
         
         | 
      
    
     
              Si quelqu'un veut imiter les expéditions que Thor Heyerdahl 
                a effectuées sur des radeaux de papyrus, il doit suivre 
                les quatre conseils suivants, indispensables pour bien les construire 
                :  
              
                - Tailler les roseaux au mois d'août, pendant la pleine 
                  lune, car ils contiennent alors une sève qui les empêche 
                  d'absorber l'eau. Si besoin, pour être aidé il 
                  faut s'adresser aux arabes des marécages irakiens, véritables 
                  experts en la matière. Si on taille les roseaux à 
                  une autre époque de l'année, il faut les imprégner 
                  de goudron afin qu'ils ne soient plus poreux.
                
       
                - Il faut construire l'embarcation en disposant les roseaux 
                  en couches croisées et en forme de faux. Et ceci nullement 
                  pour des raisons esthétiques, mais parce que cela permet 
                  au radeau de mieux glisser et d'avoir une plus grande stabilité 
                  sur mer. Les meillleurs pour réussir cette forme arrondie 
                  sont les indiens Aymaras du lac Titicaca, mais les Boudoumas 
                  du lac Tchad dominent également cette technique.
                
       
                - Pour la voile, mieux vaut utiliser celle des dhows connus 
                  depuis la nuit des temps. Les Hindous sont de grands spécialistes 
                  dans ce domaine, mais les experts ont pratiquement déjà 
                  tous disparu.
                
       
                - La dimension dépend du goût de chacun. Thor a 
                  fait des voyages sur des embarcations qui allaient de 12 à 
                  35 mètres de longueur.